Lettre de Liaison n°133 – 22 septembre 2024

ByPeace lines

Lettre de Liaison n°133 – 22 septembre 2024

PEACE LINES

MESSAGERIES DE LA PAIX

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Sommaire

  1. Edito
  2. La fermière d’Horville
  3. La minute de l’Hypermétrope
  4. Dans le rétroviseur
  5. Baobabs

Lettre de Liaison n°133

22 septembre 2024

  1. Edito S.O.S. SMS

Il faut que ça change. On ne peut pas continuer comme ça. On va encore enfoncer des portes mal fermées, mais les-gens-ne-lisent-plus. Il n’y a plus de livres chez eux, entre leurs mains. Comment liraient-ils nos Lettres ? Ils sont tous sur leurs mini-écrans, format SMS : short message service. Le système SMS a été lancé en 1993 : à la fin du créneau des naissances de la génération Y (ceux qui ont entre 30 et 45 ans). Suivi en 2004 par FaceBook, en 2006 par X (Twitter), en 2010 par Instagram. C’est dire que la génération Z (ceux qui ont entre 15 et 30 ans) ont eu leur cerveau formaté, au berceau, dans les canaux FB, X et Instagram. Pour les adolescents de maintenant, c’est Tik Tok, pour les courtes vidéos, application développée en 2016 en Chine. Short, court, fast : vite, vite, de plus en plus vite, de plus en plus court.

De moins en moins de disponibilité, d’écoute, d’échange possible.

Le Lay, lorsqu’il dirigeait TF1, avait vendu la mèche, en 2004 : « ce que nous vendons à Coca Cola *avec la pub omniprésente+, c’est du temps de cerveau humain disponible ».

La fracture, en France, commence entre 1960 et 1965, lorsque les « humanités » sont retirées des programmes scolaires, au profit des sciences, puis des sciences économiques. La génération X (ceux qui ont entre 45 et 60 ans) sont les premiers touchés par ce vidage de contenu humaniste au profit de la « performance » : Rabelais, Montaigne, Descartes, Pascal, jusqu’à Rousseau, Diderot, Voltaire, Victor Hugo, Giono… passent à la trappe.

Les Français cessent d’être cartésiens : ils ne lisent plus Descartes – il n’est plus enseigné, et ils n ont plus cette capacité de lire, de réfléchir à des textes qui ont traversé les siècles.

L’estomac cervical, à force de consommer du fast food formaté d’applications sur portable, s’est rétréci à l’extrême, comme un estomac frappé d’anorexie. Ils ne peuvent plus. 328 M

Alors, comment liraient-ils nos Lettres de 6 pages, construites comme des rédactions anglaises, au style libre, avec des développements continus, de l’introduction à la conclusion ? C’est un de nos lecteurs Y, de quarante ans, qui a enfoncé le clou, cet été. Il n’y arrive pas. Il bloque, dès la réception, au vu de la « longueur », du contenu.

Se résigner à n’écrire plus que pour les deux générations de l’avant-guerre et de l’après- guerre ? Celles et ceux qui ont des livres chez eux, qui aiment toujours lire.

Dans un pays où, déjà, le taux dit de fécondité est tombé en-dessous du seuil de renouvellement (2,10) à 1,6, ce serait suicidaire.

D’où la décision éditoriale d’expérimenter un montage nouveau, de quatre chroniques, rubriques, de 500 mots chacune, précédées d’un édito étoffé de 800 mots, avec sommaire et lien hypertexte pour la version électronique.

Cinq cent mots, c’est un peu plus d’une page. Avec une image par rubrique. Ou deux. Elles peuvent se lire indépendamment les unes des autres, et correspondent, chacune, à une sensibilité, une approche, différentes.

Nous allons commencer par le point-de-vue d’une fermière que nous avons connue, dans un petit village perdu, de l’Est de la France. Ce sera, si l’on veut, le degré zéro de l’information générale, de l’intérêt pour ce qui se passe à « l’autre bout du monde ». La

« fermière » peut être aussi bien, on l’aura compris, une prof de sciences économiques née en 1975, un paysagiste né en 80 ou 90, un ado qui ne connaît que les roues arrière.

Puis il y aura La minute de l’Hypermétrope. Pour sortir du confinement local. Essayer de percevoir, comprendre un peu les incendies qui éclatent au-delà de nos frontières – dont les flammes, cependant, se faufilent jusqu’à nous.

Dans le rétroviseur aura pour but de redonner une profondeur chronologique aux événements qui nous interpellent. Remonter à la genèse des troubles actuels, retracer une généalogie. D’où ça vient ?

Enfin, Baobabs sera la rubrique des Urgences qui nous concernent, concrètement, celles de notre association. On ose espérer des mois où cette rubrique sera vide ?

Le petit chiffre, en bas à droite, bien sûr, est le nombre de mots.

Pour celles et ceux, à travers les frontières, qu’une lecture riche en contenu, en continu, ne rebute pas, nous maintenons « l’ancien style », mais dans la version internationale, en anglais. Cette version se trouve sur notre site, notre citadelle virtuelle www.peacelines.org.

Bonnes nouvelles ? www.peacelines.org a connu un record d’affluence cet été : 757 visiteurs fin juillet, 850 début août, 897 à la mi-août (pour 1647 pages lues), 888 fin août, et encore un record de 1601 pages lues le 21 septembre.

Véritable refuge informatif, très visuel (photos, vidéos), il comporte plus de deux cents articles. Voilà. Bonne lecture, et relectures… de cette nouvelle formule. Vous nous direz ce que vous en pensez ? Merci. 809 M

1- La fermière d’Horville

Mettons que Horville existe. Que ce soit un petit village de cinquante âmes, quelque part en France, qui porte bien son nom. Au milieu de nulle part. On sait que 18% seulement de la population française vit en zones rurales (contre 75% au milieu du dix-neuvième siècle).

Cent pour cent du territoire d’Horville est composé de terres agricoles, terres arables et prairies. Le maire, un nommé de Goua, en est une sorte de gestionnaire de parcelles, un bonhomme qui a toujours vécu dans sa petite étable, et qui n’est jamais sorti du périmètre de ses champs. Soit un rayon d’action d’un kilomètre. C’est sa compréhension du monde.

On ne se moque pas du de Goua (là-bas, on colle l’article aux noms propres, comme pour gentiment les chosifier, le Marcel, la Marinette). On en connaît par pleins wagons, des urbains, habitants des grandes cités, diplômés qui plus est, dont le rayon de perception de ce monde, ne dépasse pas celui du de Goua, et même, lui est inférieur.

Il y a, pour ces gens-là , la grande armée des de Goua, toujours de bonnes raisons pour décréter que « ça n’est pas pour eux ». Le « manque de temps », toujours, alibi royal. Et puis, tout ce qui se passe hors de leur pré carré est hors- jeu. Les Degouistes ont le vent en poupe lors des élections, mais en tous temps ils n’ont pas leur pareil pour taire l’Autre, couper la parole, et rabattre toute tentative d’échanger sur ce qui les excite, eux.

La fermière d’Horville que nous connaissons n’en fait pas partie. Dans son village, on disait d’elle que c’était une sainte. Marjorie.

Pour sa bonté naturelle, sa bienveillance permanente, son absence totale de médisance – jamais un mot de travers contre qui que ce soit. Sa grandeur d’âme. L’amour qu’elle donnait à son mari, et à ses huit enfants. Cela fait rêver…

Aujourd’hui, Marjorie doit avoir le cœur en charpie : derrière la colline de l’Ouest, ils ont

creusé un dépôt de déchets nucléaires… et puis, d’autres, avec la complicité des mêmes localement, veulent implanter des éoliennes de 175 mètres en bout de pale. Mais ce qui a toujours hanté l’esprit de Marjorie, bien avant le nucléaire et l’éolien, c’est le spectre jamais disparu de la guerre, qu’elle a connue entre 1939 et 1945, et qui prolongeait celle de 14-18.

Vous croyez que l’on peut simplement oublier 400.000 civils tués entre 39 et 45, et le million et demi de soldats tués en 14-18, pour la seule France (deux millions pour l’Allemagne) ?

Marjorie nous demandait toujours, le front plissé : « tu crois qu’il va y avoir la guerre ? » Même avant l’an 2000.

Pitié de ceux qui s’imaginent pouvoir en rire, et qui choisissent de regarder ailleurs.

Notre raison d’être, « messagers de paix », gardiens de la paix si l’on veut, c’est d’être capables de pouvoir répondre par la négative à Marjorie.

Depuis 2022 et 2023, c’est plus difficile qu’avant. Plus lourd sur notre établi. 500 M

Le Point-de-vue de l’Hypermétrope

On dit que l’hypermétrope ne voit pas bien de près. Mieux ce qui est au loin. Mettons que l’on soit tous, selon les moments, plus ou moins myope, plus ou moins hypermétrope. Et que l’on corrige nos défauts de vision.

Cette rubrique se propose de porter notre regard ailleurs, délibérément. Plus loin, plus haut. Sortir de l’auto-confinement.

Prendre du recul, de l’altitude.

Un simple déplacement de 400 km. A la verticale.

Voyez cette photo, prise en 2024. A propos des guerres d’Ukraine et d’Orient.

Vous remarquez l’écusson à l’épaule gauche de chacun. D’abord, le drapeau russe. Puis le drapeau américain. Ce n’est pas un montage.

Le Russe se nomme Grebenkin. Alexander Grebenkin. Son voisin, Barratt. Le voisin de Barrat, Dominick – c’est un pilote de chasse de l’US Navy, avec 61 missions de combat (Irak, Afghanistan ?) et 400 atterrissages sur porte-avions. La quatrième, c’est Jeanette Epps, la première astronaute afroaméricaine.

A l’heure qu’il est, ils tournent tous les quatre au-dessus de nos têtes, dans la Station Spatiale Internationale, en parfaite entente, depuis le 4 mars 2024. Ils doivent redescendre le mois prochain, en octobre.

Pendant ce temps, sur terre, notre continent d’Eurasie, Américains, Euro-Américains, et Russes se livrent la guerre, depuis 2022, par Ukrainiens interposés. Pour le seul bénéfice de leurs industries –

mais deux cent mille jeunes Russes sont morts déjà, et pratiquement aucun Américain. Les Ukrainiens ont payé pour les Américains, avec plus de 150.000 tués.

Notez que les media ne parlent jamais de Space X, Crew 8. Grebenkin & Dominick, Epps ? Inconnus au bataillon médiatique.

De même qu’ils ne parlent jamais de la guerre civile du Yémen (400.000 morts depuis 2014) ou de celle, aussi actuelle, du Soudan (150.000 morts). Pourtant, le Yémen : proche de Gaza, d’Israël. Puisque les Partisans de Dieu (Houthis) yéménites tirent des missiles balistiques iraniens sur Israël.

Cherchez l’erreur.

Les guerres dont on parle. Celles dont on ne parle pas.

Nota Bene : tandis que Grebenkin & Dominick, Barratt & Epps tournent au-dessus de nos têtes, la main dans la main, les troupes occidentales armées par les Etats-Unis, l’Angleterre et la France, ont mené une offensive en Russie, pour occuper ce que les media appellent le saillant de Koursk. Koursk, 400.000 habitants maintenant.

Que peut penser Alexander Grebenkin de tout ça ?

Et le Commandant Dominick ?

Ont-ils le temps de penser ? Ont-ils lu 1984 ?

Fahrenheit 451 ? Fahrenheit 9/11 ?

Quelles sont leurs sources de compréhension ?

Sous écoute permanente, ont-ils le droit de dialoguer ? Avaient-ils ce droit à terre, en tant que civils ?

Ces mêmes questions au niveau le plus simple :

Il nous vient des opinions sur tout et n’importe quoi, le bien, le mal, les Russes, les Ukrainiens, les Palestiniens, et les autres, les bons points, les mauvais points…

« La complémentarité, dans sa forme la plus basique, signifie qu’une seule chose, considérée de perspectives différentes, peut sembler avoir des propriétés très différentes ou même contradictoires. » Frank Wilczek, Prix Nobel de Physique 2004 500 M

Dans le Rétroviseur

Nous nous proposons donc d’aborder tous problèmes sous l’angle Wilczek, de la

complémentarité. Qu’ils soient domestiques, privés, ou publics, généraux.

Dans cet enfermement permanent qui est le nôtre (par les media, par les opinions reçues), penser hors boîtes.

Au moment de consigner ces lignes, on apprend que des « nuées de drones » ont envahi l’espace aérien israélien, venant de l’Est (Irak, Syrie). Technologie iranienne.

Un demi-million de personnes ont passé la nuit dans des abris bétonnés en Israël, de Saint- Jean d’Acre à Nazareth. La population du Liban, que l’on sache, ne dispose pas de tels abris. On apprend que tout l’appareil de commandement du Hezbollah libanais a été décapité les 17 et 18 septembre, dans une série d’opérations de « haute technologie », où chaque cadre de l’organisation s’est vu déchiqueté par trois grammes de pentrite, « l’un des plus puissants explosifs connus ». insérés dans la batterie de son bipeur.

La doctrine du Parti d’Allah ? Depuis sa fondation, en 1982, son but premier est le jihad contre Israël, dont il ne reconnaît pas l’existence.

Avant tout, comprendre. Remonter dans le temps. Comprendre le Liban.

Sous occupation turque jusqu’en 1920, cette occupation s’aggrave par un blocus de 1915 à 1918 qui fait périr de faim un tiers de la population (jusqu’à 200.000 morts dûs à cette famine). Le petit territoire (10.000 km carrés) passe en 1920 sous mandat français, d’où le drapeau tricolore au

cèdre. Le cèdre est l’emblème du Liban – son bois, léger, résistant et imputrescible, a servi, dit-on, au Temple de Salomon à Jérusalem.

Le français a longtemps été langue officielle, avant d’être remplacé par l’arabe fin 1943, date de l’indépendance. Il reste langue principale d’enseignement dans le primaire, avant l’anglais. En 1948, plus de cent mille réfugiés palestiniens s’installent dans des camps au Liban, suite à la

première guerre d’indépendance d’Israël à sa création.

De 1945 à 1970, le Liban connaît un essor extraordinaire, et devient « la Suisse du Moyen- Orient », « le coffre-fort du Levant ». Malgré l’absence de recensement depuis le mandat français, on estime à six millions la population du Liban – plus d’un tiers chrétiens, 30% sunnites, 30% chiites, 5% druzes.

Survient la catastrophe de Septembre Noir. Depuis la fin des années 60, les fedayins palestiniens (partisans de la lutte armée, laïcs et religieux) établissaient un « état dans l’état » en Jordanie, composée aux deux-tiers de Palestiniens sur le million et demi de Jordaniens en 1970. Leur intention étant de renverser la monarchie hachémite (dynastie gardienne de La Mecque depuis le dixième siècle), ils multiplient les attentats contre le roi Hussein. Celui du 1er septembre manque réussir.

Le 6 septembre, le PFLP (organisation marxiste-léniniste palestinienne) détourne quatre avions de ligne à destination de Londres et New-York, en force trois à atterrir dans le désert de Jordanie.

La réaction jordanienne, dos au mur, fera entre 5.000 et 10.000 morts chez les fedayins, désormais bannis du territoire. Les survivants, avec armes et bagages, débarquent massivement au Liban.

Fatah – PFLP – Hezbollah… *à suivre+ 500 M

Baobabs

« Et en effet, sur la planète du petit prince, il y avait, comme sur toutes les planètes, de bonnes herbes et de mauvaises herbes. *…+ Or il y avait des graines terribles sur la planète du petit prince… c’étaient les graines des baobabs. Le sol de la planète en était infesté. Or un baobab, si l’on s’y prend trop tard, on ne peut jamais plus s’en débarrasser. Il encombre toute la planète.

*…+ C’est pour avertir mes amis d’un danger qu’ils frôlaient depuis longtemps, comme moi-même, sans le connaître, que j’ai tant travaillé ce dessin-là.

*…+ Quand j’ai dessiné les baobabs j’ai été animé par le sentiment de l’urgence. »

Saint-Exupéry, Le Petit Prince (1943)

(Ouvrage le plus traduit au monde après la Bible) Nous avons tous nos baobabs. Nos inondations.

Et ces moments où l’on se noie dans un verre d’eau…

Messagers de coexistence, de non-violence absolue, nous savons trop que le conflit germe en tous lieux, à tous moments (au sein du couple ou de l’entreprise, parents- enfants, entre voisins, entre partis et idéologies, entre egos, quand ce n’est pas entre peuples – sommes-nous au bord d’une conflagration monstrueuse, encore davantage, au Moyen-Orient… dans le Nord-Est du continent européen ?).

Notre affaire existentielle, au sens profond, est de prévenir la prolifération de ces graines, ces germes perforateurs de l’harmonie dont nous avons besoin pour vivre en paix, en sécurité. Résister à cette sensation répandue d’impuissance toxique.

Faire le vide de tout ce qui nous encombre, nous infeste. Faux problèmes, dangers sous-évalués, confusions de priorités, oubli des règles élémentaires de conduite, de survie. Trop d’accidents autour de nous, cet automne. Trop de contretemps.

Ce qui est sur notre établi, c’est une meilleure compréhension de ce qui se passe autour de nous, et en nous par ricochets.

Nous nous proposons de partager avec vous ce qui nous fait agir, nous protège de la passivité, de la résignation.

– A commencer par une vraie invitation, lancée de Jérusalem, du Mont des Oliviers, par Ibrahim Abou el Hawa – Ibrahim, notre Hôte irremplaçable, en ces termes : Paix et amour et santé pour vous tous et vos familles. Je vous envoie beaucoup d’amour du Mont des Oliviers (…) je lance une invitation à chacun de vous de visiter le Mont des Oliviers, Jérusalem, que nous puissions avoir le plaisir de partager avec vous notre chaleur humaine.

Ibrahim a toujours parlé d’amour, de paix, et agi en fonction. Sa famille, sur le Mont des Oliviers, a accueilli les pèlerins et tous voyageurs depuis des générations. Bédouin, musulman de confession, il nous a ouvert sa maison, connue comme Maison de Paix. C’est de là qu’est parti notre programme de petits livres bilingues (Martin Luther King), voici vingt ans. Ici, on le voit avec le regretté rabbin Menachem Froman.

– – Si Jérusalem est « trop loin » pour vous, il y a Saint-Denis, à la Porte de Paris, où vous êtes invités, à notre réunion annuelle, le samedi 26 octobre, de 10 à 14 h. …/… 500 M

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